2 févr. 2014

Petite liste non exhaustive des adaptations biologiques de l'homme.

Car oui, l'homme évolue, même sans rayons gamma.


Une adaptation, en très simple et très court, c'est la réponse d'une population à un épisode de sélection au cours de son histoire évolutive. Les individus qui s'en sortent le mieux dans ce contexte de sélection vont faire plus de bébés que les autres, et quelques générations plus tard, cette population sera peuplée en grande partie par leur descendance. Les populations humaines ont fait face à tout un tas de pression de sélection depuis leur émergence, il y a de cela environ 200 000 ans, ce qui a conduit à de nombreuses adaptations (un scénario pour exemple en fin d'article).



Voici une brève liste de différentes adaptations biologiques dans certaines populations humaines. Dernière mise à jour : 2 févr.. 2014


- Adaptation à l'altitude. 

Nicholas Roerich
Vivre haut, c'est avoir moins d'oxygène pour respirer, et donc une sélection forte pour les systèmes respiratoires et circulatoires les plus efficaces. En d'autres termes, ceux qui avaient de plus fortes concentrations d'oxygène dans le sang à ces hautes altitudes pouvaient travailler plus, s'offrir de plus grosses Rolex et avoir des jantes plus massives sur leurs Ferraris, et du coup pouvaient avoir plus de copines et, in fine, de bébés.
Ou tout simplement, ils pouvaient être en meilleur santé et vivre plus longtemps, leur laissant le temps de faire de nombreux enfants, qui eux même porterons ces adaptations évolutives. De telles adaptations ont eu lieu indépendamment sur les hauts plateaux du Tibet , des Andes, d'Éthiopie et du Caucase, prouvant que sous une pression de sélection donné, différentes réponses évolutives peut émerger indépendamment les unes des autres. C'est ce que l'ont nomme la convergence évolutive.

- Adaptation à la consommation de lait (en étant adulte). 

Chez la plupart des espèces, le lait est plutôt une nourriture pour enfants, et on perd en grandissant les capacités pour le digérer parce que de toute façon notre maman n'a plus rien à nous donner à téter. Seulement, plusieurs populations indépendantes ont domestiqué des herbivores qui produisent du lait, et c'est un aliment très chouette, riche en graisses et en sucres. Ceux qui pouvaient en boire même en étant adultes pouvaient profiter de cette ressource, et ont pu faire plus de bébés que les autres. Dans les populations d'éleveurs d'Europe du Nord, d'Afrique de l'Est et d'Afrique du Nord, des éleveurs se sont adaptés à boire du lait en étant adulte, il y a plus de 5000 ans de cela et de façon indépendante les uns des autres... même si il y a toujours des trolls pour prétendre le contraire.


- Adaptation à la PATATE. 

Manger de l'amidon (blé, tubercules, riz... les féculents de façon générale), c'est bien, mais le digérer, c'est mieux. L'amidon est un très long polymère, une répétition d'une molécule unique : le glucose. Pour profiter de cet aliment (glucoseglucoseglucose), il faut le découper en morceaux (glucose - glucose - glucose) ce que plusieurs enzymes savent faire, dont l'amylase. Les populations qui se nourrissent beaucoup de tubercules (chasseurs-cueilleurs dans les environnements arides, comme les Khoisans) et de graminées (agriculteurs) ont vu leur nombre de copies de gènes d'amylases salivaires se multiplier dans leur génome par rapport aux populations qui en consomment peu (chasseurs-cueilleurs en bord de mer, par exemple). Plus d'amylases salivaires = une salive plus agressive, qui commence à découper l'amidon dès son entrée dans la bouche, pour digérer encore mieux... et faire plus de bébés.


- Adaptation au paludisme.

La drépanocytose, mieux nommée anémie falciforme -une maladie qui transforme les globules rouges en sculptures contemporaines dignes du MoMA- est une maladie dont la distribution mondiale se superpose très bien avec la distribution historique du paludisme. Et pour cause : cette maladie est en fait une adaptation contre le parasite responsable de cette maladie, Plasmodium falciparum, qui attaque justement les globules rouges en les faisant éclater. Quelle meilleure défense que de transformer les globules rouges en franken-cellules, permettant à l'organisme de résister contre ce parasite taquin ?
 Distribution de la drépanocytose (gauche) et du paludisme dans les temps historiques (droite).

- Adaptation au rayonnement solaire : la couleur de la peau. 

LE cas le plus connu d'adaptation de l'homme, la couleur de la peau est une adaptation aux rayonnements ultraviolets (UVs). Enfin, oui et non, c'est un peu plus subtil. Si la peau noire est effectivement utile pour diminuer les risques de cancers liés au UVs (sans toutefois empêcher les coups de soleil), elle est surtout utile pour réussir à conserver un peu de vitamine B9 (=acide folique), qui se fait si facilement dégrader par ces rayons très énergétiques.
D'un autre côté, avoir une peau claire permet de faciliter la synthèse de vitamine D, une synthèse qui se produit dans la peau et qui a besoin d'un peu d'UV pour être déclenchée. C'est pour cela qu'on observe une corrélation entre teinte claire et latitude nordique. En d'autres termes : au fur et à mesure que nos ancêtres ont migré vers le nord, ils se sont éclaircis.
HOPHOPHOP attendez 5 secondes. Si on n'a plus de vitamine D, que fait-on de nos jours ? On va à la pharmacie, et on prend des compléments vitaminés, farpaitement !
Cette logique vaut aussi pour nos ancêtres chasseurs-cueilleurs : les vitamines D se trouvent en abondances dans les rivières et sur les rivages : dans les poissous. Posons-nous la question donc sous cette forme : nos ancêtres manquaient-ils de cette vitamine D au point de subir une pression de sélection sur leur couleur de peau, alors que leur alimentation était très variée et que leurs campements se trouvaient souvent en bord de points d'eau ?
Reconstruction de
l'homme de La Brana

Une récente découverte vient de jeter un micro-pavé dans la mare, en rebondissant plus de 40 ans après à une proposition de Luis Cavalli-Sforza. Cet illustre biologiste proposait que nos ancêtres chasseurs cueilleurs européens, les artistes de Lascaux et Chauvet, étaient noirs de peau. Ils se seraient éclaircis lorsque leur régime alimentaire a commencé à manquer de vitamine D, et qu'une peau couleur de néon/aspirine devenait une question de vie ou de mort (et de nombre de bébés). Cet épisode d'éclaircissement intense se serait déroulé au moment où l'agriculture s'est répandue en Europe -et avec elle une alimentation beaucoup plus pauvre en vitamine D- il y a 6000 ans environ.
Confortant ce scénario, des chercheurs ont récemment séquencé des bouts d'un génome d'Européen qui vivait en Espagne, à La Brana, il y a de cela 7000 ans : sa peau était noire.
Pour résumer : s’il y a trop d'UV, il faut se protéger, et s’il n'y a plus assez de vitamine D dans l'alimentation, il faut arriver à les capter un maximum.
Le changement de teinte de la peau s'est fait plusieurs fois au cours de l'évolution, de façon indépendante : les gènes qui donnent leur couleur claire aux populations asiatiques sont différents de ceux des européens.



- Adaptation aux longs voyages du Pacifique.

Un homme des îles Samoa.
Et encore, c'est le plus petit de la famille...
Les austronésiens (probablement issus de l'île de Taïwan) qui fabriquèrent un jour des bateaux pour coloniser les îles du Pacifique firent face à une sélection très importante, qui consistait à rester vivant lors des longs voyages en mer, avec peu de nourriture et une température parfois très fraîche. Les survivants qui débarquaient étaient nécessairement ceux qui avaient conservés le plus d'énergie, sous forme de sucres dans le foie, de graisses ou de muscles. Version raccourcie : être gros et gras était pour eux un avantage sélectif.
Aujourd'hui, cette adaptation pose des problèmes de santé publique : les polynésiens sont si bien optimisés pour conserver les ressources qu'avec l'alimentation occidentale très riche qui s'est imposé dans leurs îles, ils ont développé de nombreuses maladies telles que l'obésité, les problèmes vasculaires ou le diabète, et ce dans des proportions hallucinantes. Par exemple, les 5 nations ayant le plus haut taux d'obèses au monde sont 5 états de polynésie : l'île de Nauru, constituée de 94% d'obèses, est suivit de près par la Micronésie (91%), les îles Cook (90.9%), les îles Tonga (90.8%) et Niue (81.7 %).
À titre de comparaison, les USA n'ont "que" 74% de leur population qui est obèse.


- Adaptation à la radioactivité naturelle ?


Certaines régions de la terre sont plus fortement radioactives que d'autres, pour des raisons d'ordre purement géologique. En habitant dans un endroit naturellement riche en radium, comme la ville de Ramsar en Iran, une population humaine pourrait être soumise à une pression de sélection pour la résistance à la radioactivité ou pour des mécanismes plus efficaces de réparation génétique. Les individus qui savent faire comme Conan la bactérie et peuvent réparer les dommages causés par la radioactivité à leur ADN pourront vivre plus longtemps, et avoir plus de temps pour faire plus de bébés. Des travaux sont en cours pour rechercher une adaptation chez les populations natives des milieux riches en radioactivité, et certains semblent montrer que le génome des habitants de Ramsar subit moins de dommage dus à la radioactivité que le génome de personne ne vivant pas dans la région.


- Adaptation à l'arsenic


Une population argentine est adaptée à la forte concentration en arsenic de l'eau courante du milieu dans lequel ils vivent (les Andes), et ils peuvent méthyler et excréter l'élément dangereux de façon très efficace. Le gène responsable de la détoxification est AS3MT, et une variante unique est majoritaire dans cette population. La population a d'ailleurs subit un balayage sélectif intense pour ce gène, ce qui est un indicateur clair l'intensité de la sélection dans le milieu riche en arsenic.

- Adaptations moins connues

Une forte sélection pour se reproduire plus jeune a eu lieu entre le 19e et le 20e siècle sur L’Île-aux-Coudres (Québec). En un siècle, l'âge des femmes à leur premier bébé a diminué de 4 ans en moyenne, c’est-à-dire que si elles faisaient un bébé à 20 ans en 1800, elles le faisaient à 16 ans en 1930. Ce qui est intéressant, c'est que ce changement est très probablement d'ordre génétique : le trait "faire des enfants plus jeunes" était héritable, et fortement corrélé aux nombres de bébés. En clair, plus les femmes faisaient des enfants jeunes, plus elles en avaient, et plus leurs propres enfants en avaient aussi. Il faut toutefois rester prudent : cette tendance peut être en partie expliquée par une transmission culturelle familiale, et il est difficile de contrôler pour de tels effets "de mode" dans les modèles.

Une autre étude a observé une évolution vers l'agrandissement de la durée de fertilité des femmes aux États-Unis, c’est-à-dire le temps entre les premières règles et la ménopause. Les femmes peuvent se reproduire de plus en plus jeunes, et ont leur ménopause de plus en plus tard, ce qui agrandit la période reproductive par les deux bouts.

Encore plus récemment, entre 1955 et 2010 en Gambie, l'environnement et la démographie ont joué un jeu complexe avec la direction de la sélection sur la forme du corps des femmes : au début, des femmes plus petites et rondes (avec un indice de masse corporelle plus élevé) avaient plus d'enfants, mais cette tendance s'est renversé progressivement en faveur de femmes plus grandes et maigres. Là aussi cependant il s'agit peut-être d'un effet de changement de préférence de partenaire, lié à un changement de rythme de vie, donc prudence...

Ces études tendent à montrer que l'homme est toujours sous la contrainte de pressions de sélection, et même si il est difficile de prédire le futur de notre espèce, il est très probable que notre patrimoine génétique continuera d'évoluer en réponse aux aléas de notre alimentation, de notre environnement, naturel ou non.

Cette liste sera actualisée au fur et à mesure ;-)

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Scénario d'une adaptation :
Nigel a une salive super acide, et aucune femme ne veut de lui, car des relents sévèrement chargés percolent d'entre ses chicots fondus. Tout semble désespéré pour lui : il n'aura pas de descendance. Mais voilà que le climat change à la suite d'un hiver nucléaire, et que la nourriture vient à manquer. Chance ! Nigel peut encore se nourrir des planches de sapin du plancher de sa maison, grâce à sa salive super acide. Il peut aussi alimenter ses femelles préférées, et en échange elles acceptent ses attentions câlines. Les autres mâles, par contre, vont pitoyablement mourir de faim, et leurs enfants aussi. À la génération suivante, toute la population est constituée d'enfants de Nigel et ils possèdent tous les gènes de papa, adaptés pour manger des planchers de maison. La plupart du temps, ces adaptations sont génétiques, ce qui veut dire qu'elles impliquent un gène ou un groupe de gènes qui augmentent brutalement en fréquence dans la population. 

7 commentaires:

  1. Très bon article Léo!
    Tu gaze en ce moment dis-donc...

    Je pense que l'article sur les femmes du Québec est "à prendre avec des pincettes" (ma manière de dire "hé mais il a l'air vraiment mauvais ce papier dis-donc") vu qu'il y a peu de chances que l'âge de première reproduction soit directement sous déterminisme génétique (Ce ne sont pas les gènes qui décident de la date de la soirée où Jessica l'adolescente de va boire un petit peu trop de cette savoureuse bière "La Maudite" et enfin tester la banquette arrière de ce Kévin que toutes les filles du village trouvent super canon)

    Bref...

    J'adore l'exemple de Nigel par contre. Excellent!

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  2. Ouaip, très bon article Léo!!!!
    Surtout très bien vulgarisé!

    Jo, concernant l'article de l'île aux coudre, attention, ils ont seulement montré que le mérite génétique de ce trait (les fameuses "breeding values") ont changé plus vite dans le temps que sous l'hypothèse de la dérive génétique. La variance des breeding values c'est ni plus ni moins que la variance génétique additive (VA). En clair ils ont montré que VA a changé dans le temps. Or VA n'est pas directement la variance génétique (au sens moléculaire du terme). C'est la variance de l'expression additive des traits. La part additive de la vraie variance génétique (VG) est entre 50 et 90%, et en plus, peut être approché mathématiquement avec les techniques de génétiques quantitatives.

    Bref, je reconnais que les techniques de génétiques quantitatives peuvent paraître souvent "ésotériques", mais concernant cet article, les conclusions sont là:

    D'après Fisher (1930): Un changement évolutif correspond au changement de variance génétique dans le temps (donc les breeding values). Donc on est bien ici en présence d'un changement dans le temps, qui a pour origine une réponse à la sélection (adaptatif).

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  3. WOW Pascal il a sorti les gros mots là : génétique quanti et tout, attention, ça pulse dans les chaumières.

    J'ai quand même une question pour le spécialiste : est-ce que la même observation aurait pas pu être causée par un autre phénomène, pas d'ordre génétique ? (la génétique quantitative s'est évaporé de mon cerveau je crois)

    Par exemple, si un jour pour une raison donnée, une maman décide de faire un petit plus tôt. Et elle enseigne a ses filles à faire pareil (genre "si tu as pas fait de gosses à 25 ans t'es plus ma fille !"). Petit à petit, cette date recule par emballement purement "traditionnel". Les femmes qui se reproduisent plus tôt font plus d'enfants,et un jour c'est leur tradition qui domine (réduisant la variance observée du phénotype pareillement).

    Comme le dit Jojol'abricot, tant qu'on a pas vu une trace de sélection dans le génome on peut toujours se demander si ya pas une variable confondante quelque part...

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  4. Le système que tu propose correspond à la sélection d'un trait, mais sur la part de sa variance codée par la culture (la tradition). Or la culture est héritable (du moins dans ton exemple), donc on devrait voir le trait évoluer (évolution culturelle).
    Pas de souci pour ça.

    Par contre, la VA des femmes sélectionnées seraient exactement la même que celle des femmes contre-sélectionné (on suppose les breeding values distribuées normalement). Donc il n'y aurait aucun évolution dans le temps des breeding values.

    SAUF (cas particulier), dans le cas d'une interaction culture / environnement: Si par exemple les femmes qui transmettent cette tradition sont aussi celle qui ont une valeur de trait plus forte. Dans ce cas là les breeding values augmenteraient en fréquence, mais on ne serait pas en mesure de dire précisément la part génétique / culture de cette évolution. Ce à quoi deux objections peuvent être formulée:

    - L'évolution représente une évolution de la base génétique, peut importe qu'elle soit drivée par un différentiel de sélection génétique ou culturel.

    - Si interaction gène / culture il y a, alors il est quasiment impossible de discriminer les deux (et on pourrait se demander, d'un point de vu philosophique si ça serait pertinent ..... la culture doit aussi avoir une origine génétique, et hop, la boucle est bouclée!). Enfin, on peut discriminer les deux, mais alors il faut un jeu de donné monstrueux avec des individus qui partagent le même environnement culturel, mais pas les même gènes (enfant adoptés par exemple) ; et des individus qui partagent les même gènes, mais pas le même environnement culturel (les frères séparés à la naissance par exemple).

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  5. "À titre de comparaison, les USA n'ont "que" 74% de leur population qui est obèse."

    Un peu Marseillais ...

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    1. Hélas, je n'exagère pas... 74% des adultes états-uniens sont bien en surpoids :-/ http://en.wikipedia.org/wiki/Obesity_in_the_United_States

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  6. Attention, on peut être en surpoids sans être obèse...

    Sinon, avec les technologies, nos nuques se déforment à cause du portable, et nos bras raccourcissent à cause du clavier. Bon c'est beaucoup moins classe par contre.

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