3 oct. 2013

Petite histoire de la biologie: Partie 1

 10 millions ? 50 millions ? 100 millions ? Alors, qui annonce un chiffre ? Combien pourrait-il y avoir d’espèces sur la planète ? Bien sûr, d’espèces réellement, pas seulement le nombre d’espèces que l’on a décrites (ben ouais, sinon c’est trop facile !). Bon d’accord, disons que ce nombre nous est inaccessible. Mais alors, on est en droit de se demander comment toutes ces espèces sont apparues ? Et comment celles qui sont fossilisées sont disparues ? Et puis d’ailleurs …. Cela a-t-il un sens de classer le vivant en espèces ? Toutes ces grandes questions relèvent de cette belle science qu’est … la biologie ! Faisons donc un petit saut dans le passé pour comprendre l'histoire de cette science.



 De l’ADN aux grands biomes, la biologie a toujours cherché à expliquer la variation du vivant. Oui, vous savez, ces gènes différents, ces cellules différentes, ces organes différents, ces organismes différents, ces espèces différentes et finalement ces écosystèmes différents. Comment s’y retrouver dans ce bazar ? Allé, sautons le pas et disons le : les biologistes sont des maniaques, ils ont voulu depuis tout temps ranger ce bazar dans des boites. Vous me direz, c’est plus pratique pour discuter entre spécialistes … Classer est important, mais cela n’aurait-il pas plus de sens si on savait comment tout ça est apparu ? « Darwin !!». Quoi ? Qui a dit Darwin ? Oui, vous avez raison. Mais avant Darwin, il y a eu beaucoup de chemin parcouru (et qui sera parcouru après lui !). Allons voir de plus près ce qu’il en est.

Tout a commencé au début du IVe siècle chez les grecs avec …. Et oui, Aristote (non vous ne rêvez pas, Aristote a touché à un peu tout : Philosophie, Mathématique, Physique, Biologie). Aristote (384-322 av. J.-C.) consacre trois traités à la zoologie, dans lesquels il classe les animaux en 2 groupes : ceux qui ont du sang (les serpents, les oiseaux, les quadrupèdes, les poissons … et l’Homme) de ceux qui n’en ont pas (qu’il divise en 4 ensembles : Les mollusques céphalopodes, les crustacés décapodes, les mollusques testacés et  les arthropodes). Comme chez nos amis physiciens, le savoir d’Aristote n’est pas remis en question jusqu’à la Renaissance (pendant près de 2000 ans quand même !). Un tournant arrive au début du XVIIe siècle. En effet, c’est à cette période que le microscope est inventé. Comme pour le télescope qui donna les raisons à Galilée de se séparer de la physique aristotélicienne, le microscope permit aux biologistes de se libérer d’Aristote et d’aller voir ce qui se passe vraiment ! C’est ainsi que l’anatomie microscopique animale et végétale est fondée par Marcello Malpighi (1628-1694) et Jan Swammerdam (1637-1680).



Aristote écarté, une autre difficulté se profilait à l’horizon : L’Eglise. Celle-ci était extrêmement présente à l’époque. C’est pourquoi jusqu’au début du XVIIIe, la plupart des biologistes adhéraient au récit biblique, à savoir que Dieu a crée la Terre il y a 6000 ans, en 6 jours. En créant la Terre, Dieu a crée toutes les espèces vivantes telles qu’on les retrouve aujourd’hui. Ce courant de pensée est appelé créationnisme. Le célèbre biologiste Carl von Linné (1707-1778) en est un des plus fervents adeptes. Linné est à l’origine du premier système de nomenclature des espèces vivantes, encore utilisé aujourd’hui. Dans son Systema naturae (1735), Linné divise le monde en trois règnes : Le minéral, le végétal et l’animal. Les plantes sont réparties en 24 classes (basées sur l’observation des organes sexuels mâles, les étamines), alors que les animaux sont répartis en 6 classes (les quadrupèdes, les oiseaux, les poissons, les amphibiens, les insectes et les vers). Notons que – comme Aristote – Linné place l’Homme dans le règne des animaux, comme n’importe quelle espèce.
Linné pensait que le vivant était réellement divisé en règne, embranchement, famille, etc … jusqu’à l’espèce. A l’opposé de cette idée, certains de ses détracteurs pensaient que le vivant n’était pas aussi discontinu, c'est-à-dire qu’il n’y avait pas réellement de branche, familles, etc … C’était le cas du français Buffon (1707-1788). En écrivant l’histoire naturelle générale et particulière, Buffon expose une histoire bien différente de celle de Linné. Buffon décrit la nature comme une échelle, dans laquelle on peut passer des végétaux, aux animaux, aux hommes, jusqu’à Chantal Goya (Mais il y a controverse sur le dernier point). Pour Buffon, la Nature n’est pas aussi discontinue, et tous ces rangements ne sont que des commodités pour les naturalistes. Pour lui, seul l’espèce existe réellement, et est la seule classe légitime. Buffon avait eu aussi une bonne intuition quant à l’apparition de la vie : Contrairement à Linné qui pensait que la Terre avait 6000 ans et que les espèces avaient été crées par Dieu, Buffon pensait que la Terre avait été crée il y a 75000 ans. Elle était recouverte d’eau, dans laquelle des molécules primitive s’étaient spontanément assemblées pour former les animaux, les végétaux … et Chantal Goya (oui oui).

C’est à partir de là qu’un noble va apposer sa marque … Jean-Baptiste, chevalier de Lamarck (ouais, désolé pour le jeu de mot foireux pour ceux qui l’ont vu …). Alors ce Lamarck (1744-1829), qu’est-ce-qu'il nous dit ? Lamarck était un élève de Buffon, il pensait donc comme lui, c'est-à-dire que seules les espèces sont des entités réelles dans la nature. Mais c’est en 1793 que Lamarck est nommé professeur de zoologie au muséum national d’histoire naturelle de Paris. A ce nouveau poste, Lamarck se consacre à l’étude de la paléontologie, celle des invertébrés. C’est à partir de ce moment qu’il rompt avec son mentor : pour Lamarck, même les espèces ne sont pas légitimes. Cela va être le point de départ d’un cheminement de pensée amenant Lamarck à fait l’hypothèse d’une évolution des espèces.

Le fait d’étudier des dizaines de milliers d’espèce d’invertébrés dans les couches paléontologiques permet en plus à Lamarck de contrer le catastrophisme de Cuvier. En effet, Cuvier (1769-1832) est à l’époque un scientifique éminemment reconnu. Sa connaissance parfait de la paléontologie lui permet de découvrir de nombreux quadrupède tel que le ptérodactyle ou le mastodonte. Mais Cuvier est extrêmement croyant, et il a du mal à concilier le récit biblique avec toutes ces espèces disparues. Pour expliquer cela, il fait l’hypothèse que ces animaux ont disparus il y a longtemps à la suite d’une catastrophe (un déluge pourquoi pas). Cuvier parvient à expliquer les grandes disparitions de fossiles dans les couches géologiques grâce à toute sorte de catastrophes. La seule épine du pied de Cuvier était Lamarck. En effet, Alors que Cuvier étudie quelque centaine d’espèces de quadrupèdes, Lamarck lui, étudie plusieurs milliers d’espèces en même temps. Il ne retrouve pas les grandes disparitions dont Cuvier parle dans sa théorie. Pour Lamarck, les espèces n’ont pas disparues, elles se sont transformées …


Le transformisme de Lamarck représente la première théorie scientifique avec l’idée d’une évolution des espèces. Pour Lamarck, les formes le plus simples sont d’abord apparues sur la Terre (méduse, corail, infusoires, etc …). Elles se sont ensuite transformées, complexifiées, pour au final donner l’Homme. Alors, comment les espèces se sont transformées chez Lamarck ? Les espèces vont être soumises au cours de leur existence à différents environnements. Chacun de ces environnements va demander des aptitudes spéciales pour survivre (des nageoires dans l’eau, des pattes sur la terre, des poumons dans l’air, etc …). L’environnement va alors déterminer et provoquer toutes ces aptitudes. C’est ce qu’on appelle l’hérédité des caractères acquis. Pour Lamarck, les oiseaux qui vont aller se nourrir dans l’eau, vont prendre l’habitude d’étirer leurs doigts pour mieux nager. A force de les étirer, les pattes vont devenir palmées. Tout le monde connait la célèbre phrase « l’organe crée la fonction ». Pour Lamarck c’est l’inverse : C’est parce que les animaux font telle ou telle action dans des environnements bien particulier qu’ils vont développer les aptitudes pour le faire de mieux en mieux : « la fonction crée l’organe ». Ah oui, rappelons aussi que le célèbre cou de la girafe n’a jamais été utilisé par Lamarck comme un exemple.
En 1802, Lamarck invente mot « biologie ».


Lamarck écrit un ouvrage majeur dans lequel il défend sa théorie : Philosophie zoologique. Cet ouvrage est édité en 1809 … année ou le non moins célèbre Charles Darwin (1809-1882) voit le jour en Angleterre….

La suite de cette petite histoire sera pour le prochain billet ...


7 commentaires:

  1. Très bon blogpost, Pascal! Je vais en faire la pub sur le Livre des Visages. Pour Chantal Goya, personne ne sait vraiment ce qu'il s'est passé dans cette spécifique branche de l'évolution. Apparemment, beaucoup de scientifiques ont renoncé à leur brillante carrière pour sombrer dans la plus profonde dépression après avoir essayé de résoudre ce mystère...

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  2. Merci Jo!
    Nan mais Chantal Goya le mystère est résolu, c'est une hybridation entre plus de 27 espèces d'arthropodes ...

    Euh sinon je viens de voir une petite coquille dans l'article: Le passage sur Aristote, c'est évidemment au IVe siècle AVANT J-C ...

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  3. nicole CAMBORIEUX4 octobre 2013 à 15:05

    bravo pascal..suis impréssionnée mais chutttttttttttttttttt

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  4. oh vouiii de l'histoire des sciences, cool cool cool :) c'est rigolo comment les idées de lamarck, après avoir été tournées en ridicule sans être vraiment testée, on ressurgit avec l'épigénétique...

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  5. heho léo t'enflamme pas, l'hérédité des caractères acquis n'égale pas épigénétique.... l'imprinting épigénétique ne change pas l'informartion. Retire le stress sur le trait considéré et en deux ou trois génération.. hop! retour à la cas départ! :p

    Pascal: "biologie" est inventé par Lamarck... qu'en est-il d'évolution qui, il me semble est inventé avant...

    PS: très bon article... comme d'hab

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  6. tiens je rebondis sur ce que tu dis sur l'hérédité épigenet : je ne vois pas de différence fondamentale entre info "ADN" et info "epigenet". C'est vrai que si tu enlève le stress sur le trait "épigenetique-based", tu perds l'info.... mais si tu enlève la sélection sur le gène "ADN-based" tu perds l'info aussi ! C'est juste une question d'échelle de temps à mon avis, pas un processus fondamentalement différent.
    pour le dire autrement : l'ADN aussi, c'est hyper labile si tu regarde à une échelle un peu plus grande.
    bref, à mon avis la ya un faux débat, pitetre la conséquence de l'analogie fréquente (et trompeuse) avec l'informatique, où l'ADN serait le hardware et les modifs épigenetique le software...

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  7. La différence majeure, je pense, ne tiens pas dans le processus mais dans l'aboutissement. Si tu retires le stress tu vas retourner à un "état ancestral" par levé de l'imprinting. Si tu retires la pression de sélection, point de retour à la case départ, bien malin celui qui pourra prédire la suite.. pseudogénéisation ? néofonctionnalisation ? Les contraintes ne sont pas les mêmes non plus. L'ensemble du réseaux épistatique qui a pu se mettre en place peut contraindre la "destiné" d'un gène qui n'est plus sous sélection etc etc ...

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