21 mai 2014

Petite histoire de la biologie: Partie 2



Dans un précédent billet, nous avons exploré les débuts de la biologie, d'Aristote à Lamarck, en passant par Buffon et Cuvier. Nous avons vu que la biologie est une science à la fois ancienne et récente, qui a subit de nombreuses révolutions. La plus connue est sans conteste celle de 1859 avec la parution de l'origine des espèces de Charles Darwin. Si tout le monde connait son nom, peu de gens connaissent la véritable théorie darwinienne, qui n'a d'ailleurs plus grand chose à voir avec la théorie de l'évolution telle qu'on la connait. Allons voir un peu plus en détail ce qui était appelé "Évolution" au XIXème siècle!






La bible des biologistes
de l'évolution

Tout d'abord, commençons par dire que le mot "évolution" n’apparaît pas une seule fois dans la première édition de l'origine des espèces! Avouez que c'est quand même étrange pour le père de la "Théorie de l'Évolution" ...  Il en va tout autant de "la lutte pour le plus apte", qui est introduit par Darwin seulement lors de la parution de la cinquième édition de l'origine des espèces.

En effet, Darwin introduit lui même ces termes qu'il emprunte à Herbert Spencer (1820-1903). A cette époque, Spencer est l'un des philosophes les plus influents, et ne cesse de propager au travers de l'Europe l'idée d'évolution. Spencer ne s'arrête pas là, il n'hésite pas à analyser la société humaine sous le prisme de la sélection naturelle, c'est ce que l'on appellera plus tard le darwinisme social.

La craniométrie de Paul Broca






A cette époque, apparaît aussi les idées d'eugénisme (Francis Galton, 1822-1911), ou d'anthropologie physique (Paul Broca, 1824-1880), vous savez, cette idée selon laquelle le profil meurtrier ou les capacités intellectuelles d'un individu peuvent être caractérisées par les dimensions de son crâne


Si le darwinisme social n'est plus d'époque et peut être choquant à nos yeux, il ne faut pas oublier qu'à cette époque, Spencer et non Darwin est considéré comme l'aboutissement et le vecteur de la pensée évolutionniste. 


En bref, en 1870 le mot évolution est associé à Spencer et non à Darwin. Mais alors? Quel est l'apport de Darwin?


L'imaginaire nous dit que la théorie de l'évolution a vu le jour dans l'esprit d'un jeune naturaliste  à la suite de son tour du monde de 6 ans à bord du Beagles. Ceci est seulement une partie de la réalité historique. En effet, l'idée de sélection naturelle à partir de variations aléatoires est venue à Darwin après de nombreuses observations, telles que les fameux pinsons des Galápagos. Cependant, l'idée même d'évolution était déjà dans l'air du temps à l'époque. En effet, la bataille faisait rage entre fixistes (Georges Cuvier, 1769-1832) et évolutionnistes (Lamarck, 1744-1829 et  Geoffroy St-Hilaire, 1772-1844) au début du XIXème siècle. Darwin ne manqua pas de lire les écrits de ces auteurs pendant les  longues journées à bord du Beagle. Les 2 penseurs qui eurent probablement le plus d'influence sur le jeune Darwin furent Malthus et Lyell. Thomas Malthus (1776-1834) était un géographe, connu pour avoir énoncé une loi selon laquelle la population mondiale augmente plus vite que la production de ressources, et que donc un jour ou l'autre les individus vont entrer en compétition pour l'accès aux ressources. On voit bien ici les prémices de la fameuse sélection naturelle. Charles Lyell (1797-1875) quant à lui est un des précurseurs de la géologie. Grâce à Lyell, ses idées et ses découvertes vont permettre à Darwin d'observer dans les couches fossiles de nombreuses similitudes entre les espèces disparues et les espèces actuelles. Associé aux idées de Lamarck et Lyell, Darwin va alors être convaincu de la continuité entre les espèces. Enfin, il faut ajouter que Darwin sera aussi fortement influencé par les techniques de sélection opérées par les éleveurs. Depuis très longtemps, les éleveurs pratiquaient de la sélection artificielle sur les variations déjà présentes dans la nature. En observant cela, Darwin se dit donc que la nature opérait elle aussi une sélection entre les individus, non pas basée sur la productivité, mais sur le nombre de descendants.

Le tour du monde du Beagle (5 ans), commandé par un tout
jeune capitaine de 26 ans: Robert FitzRoy.

Alfred. R. Wallace, le codécouvreur oublié.


L'analyse historique révèle donc ici que la théorie Darwinienne ne provient pas seulement de l'esprit du naturaliste anglais. Au contraire, comme souvent en Science, cette théorie provient d'une concordance de facteurs, que sont l'observation et le contexte scientifique de l'époque. 

D'ailleurs, c'est à cette époque aussi qu'un autre scientifique (un peu oublié) en arrive indépendamment aux mêmes conclusions que Darwin: Alfred. R. Wallace. (1823-1913). En accord avec Wallace, Darwin va d'ailleurs précipiter la publication de l'origine des espèces en 1859 (Darwin était tellement méticuleux et soucieux de convaincre ses lecteurs qu'il a mis un temps fou avant de concrétiser ses idées sur le papier, ce qui donna le temps à Wallace d'en arriver aux mêmes conclusions).

Voir un ancien billet de ce blog pour une remise en question quelque peu virulente de la sacralisation de Darwin.





Alors concrètement, que nous dit la théorie originale de Darwin, exposée dans l'origine des espèces de 1859?


La sélection naturelle, une histoire de
taille de bec chez les pinsons!
Cette théorie tient en deux concepts clefs: la variation et la sélection. En effet, contrairement à Lamarck qui soutenait une évolution dirigée des espèces (voir billet précédent), Darwin met l'accent sur les variations aléatoires qui apparaissent dans les populations. Si ces variations apportent un avantage au succès reproducteur de l'individu, alors elles seront sélectionnées. Sélectionnées car les individus seront plus représentés dans la population que les autres (de par leur succès reproducteur plus grand). Si la variation est en plus héritable (transmise à la descendance), alors sa fréquence augmentera dans la population de génération en génération. Au fur et à mesure, la variation sera complètement fixée dans la population (tous les individus l'auront). Évidemment, le lien entre une variation et un plus grand succès reproducteur c'est l'environnement. Par exemple, un individu qui a un gros bec peut se nourrir de plus grosses graines que les autres, et donc avoir plus de descendants. S'il n'y a pas de grosses graines dans l'environnement, l'avantage du gros bec disparaît. Voilà ce que nous dit dans les grandes lignes la théorie darwinienne.

L'originalité de cette théorie réside en très grande partie dans le concept de sélection naturelle, dont le rôle est primordial dans la diversification des espèces. Si à l'époque la majorité des scientifiques étaient ou se sont ralliés à l'idée d'évolution, ce n'était pas le cas pour le concept de sélection naturelle. On compte par exemple parmi les évolutionnistes les plus convaincus Thomas. H. Huxley (1825-1895), qui n'a jamais cru au rôle primordial de la sélection naturelle comme moteur de l'évolution. Même Darwin à la fin de sa vie a émis des réserves quant à l'importance de la sélection naturelle dans l'évolution.

Comme vous l'avez peut-être remarqué, il n'est question à aucun moment ici de gènes.


En effet, Darwin n'a pas clairement formulé une théorie de l'hérédité. Une idée largement en vogue encore aujourd'hui est que Lamarck croyait en l'hérédité des caractères acquis et Darwin l'hérédité des caractères innés. Cette idée est fausse car Darwin croyait lui aussi en une hérédité des caractère acquis. Encore aujourd'hui, il est courant d'associer des mécanismes d'hérédité acquise à Lamarck et innés à Darwin...  Il convient donc de bien séparer la théorie Darwinienne et l'hérédité, qui ne sont pas encore réuni au XIXème siècle.




August Weismann, ou comment 
étudier l'hérédité en coupant les 
queues des rats pour voir si leurs 
déscendants en sont munis ou pas

L'hérédité va faire son apparition à la fin du XIXème siècle, notamment grâce à la découverte des lois de l'hérédité par Gregor Mendel (1822-1884) en 1880. Les travaux d'Auguste Weismann (1834-1914) quant à eux permirent de mettre en évidence la différenciation entre les cellules germinales (les seules qui transportent l'information héritable) et somatiques (les cellules du corps, qui ne comportent donc pas les gamètes), ce qui écarta toute possibilité d'hérédité des caractères acquis.  Suivirent les travaux de Morgan, Wright, Fisher, Haldane, etc ...  


Le début du XXème siècle fut marqué par de très nombreux débats en biologie évolutive, dont le point d'orgue sera l'inclusion des lois de l'hérédité (et des mutations génétiques) dans la théorie Darwinienne, ce qui sera nommé la théorie synthétique de l'évolution (Ernst Mayr en fut l'un des plus grands contributeurs).




La dernière partie de cette histoire sera donc consacrée à la théorie synthétique de l'évolution et son histoire au cours du XXème siècle ... dans le prochain billet!


Quelques livres intéressants qui m'ont inspiré pour cet article:

- Histoire et Philosophie des sciences. Sous la direction de T. Lepeltier. Edition Sciences Humaines.

- L'Effet Darwin, Patrick Tort. Seuil, "Sciences ouverte". (Petit résumé intéressant du livre ici).

- Les mondes darwiniens. L'évolution de l'évolution. Sous la direction de Thomas Heams, Philippe Huneman, Guillaume Lecointre et Marc Silberstein. Préface de Jean Gayon. Edition Syllepse.

Épistémologie et histoire des sciences. Sous la direction de Solange Gonzalez. CNED, collectif.


Un documentaire bien fait


- Le grand voyage de Charles Darwin - les origines de la théorie de l'évolution. ARTE France


Une superbe animation du CNRS décrivant le voyage de Darwin

- http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosdarwin/darwin.html



2 commentaires:

  1. il me semble que le premier à utiliser le terme d'évolution et Charles Bonnet 1720-1793 (Genève) qui un naturaliste et qui utilise ce terme pour décrire le développement par métamorphose successives de la larve à l'imago...

    RépondreSupprimer
  2. Les pinsons de Darwin

    Une partie de son œuvre consistât à l’observation des animaux vivants. Notamment les célèbres pinsons (13 espèces) résident sur les îles Galápagos qui à cause des variances de la taille de leurs becs, ont été considérées plus tard (non par Darwin) comme une preuve de l’évolution par la sélection naturelle quoique ce ne sont pas des synonymes. Ce que les évolutionnistes ne vous disent pas. La procédure usuelle pour différencier les espèces de vertébrés dont font partie les oiseaux n’est pas la forme de leur bec, mais leur système de reproduction. Dans le cas des supposées 13 espèces de pinsons des îles Galápagos, les évolutionnistes ont modifié les règles en faveur de leur théorie. S'ils avaient respectés la méthode usuelle de différencier les espèces, il n'y aurait pas eu 13 espèces de pinsons. Tous ces pinsons se reproduisent entre eux et produisent des « hybrides » viables. Aussi, des spécialistes sont d'avis qu'il s'agit en réalité d'une seule et même espèce. La différence de formes de becs se trouve simplement inscrite dans leurs gènes.

    On a observé le volume du bec de certains pinsons avait changés en période de sécheresse. Ils étaient mieux capables de se nourrir des graines enveloppées dans une coquille très résistante qui avaient elles-mêmes mieux survécu à la sécheresse. Ce n’est pas un phénomène unique, on le trouve chez d’autres oiseaux. Cela n’explique pas l’origine des espèces par la sélection naturelle, ces formes étaient potentiellement présentes dans la population originale, il n’y a pas de nouvelle information génétique. Ces changements sont aussi réversibles après la sécheresse, aucune évolution n’a eu lieu. Il y a une diversité préexistante dans le monde vivant (ex races de chiens).

    Les lions en période extrême de famine perdent leur crinière, mais la retrouvent en temps favorable. Même le métabolisme des humains change en période de famine, puis revient à la case départ quand il y a assez de nourriture. Une partie de la population survit mieux, chacun réagit différemment aux médicaments, mais ce sont tous des humains. Certains chats ont des goûts variés en nourriture, d’autres sont très sélectifs. Il ce peu qu’en période de pression extrême que ces derniers auront moins de chances de survit, mais ce sont toujours des chats qui possèdent le même caractère génétique.

    RépondreSupprimer