14 mai 2015

Chapitre 2 _Médecine Darwinienne : Comment notre assiette dirige notre évolution


L'Homme est un animal comme un autre (ouh pinaise... grande nouvelle!). Il évolue plus ou moins tranquillement depuis quelques millions d'années, traverse des environnements pas toujours super sympas et qui exercent des pressions sur lui. Le chaud, le froid, l'altitude, tout ça tout ça... Et puis comme tous les animaux il mange de temps en temps. Et ce qu'il met dans son assiette peut parfois représenter l'une de ces pressions... C'est ce que nous allons voir aujourd'hui.



Alors, pourquoi donc refaire un chapitre sur l'adaptation de l'homme à son environnement dans cette série sur la médecine darwinienne ? Surtout quand le copain Léo a déjà fait ça tout bien. J'ai déjà caché la réponse dans l'article précédent (quelque part par ici, je ne sais plus trop où) et je vous reposerai la question un peu plus tard, mais la clef de l'énigme se trouve notamment dans le fait que l'Homme a subit trois grandes révolutions alimentaires, 2 anciennes et une beaucoup plus récente...


     La première est liée à l'utilisation du feu pour la cuisson des aliments. La cuisson a plusieurs avantages. D'abord, elle va tuer les parasites qui vivaient jusque là tranquillement dedans en attendant qu'un gentil carnivore les avalent pour l'infecter et poursuivre leur cycle de vie. Elle va aussi détruire la plus part des toxines végétales qui servent de protection aux plantes. En plus de vous éviter une bonne vieille indigestion (ou pire), elle augmente aussi la richesse énergétique des aliments. Par ailleurs, un steak cuit est toujours plus facile à digérer qu' un bon gros tartare. Enfin, manger cuit représente un gain de temps énorme. On estime que manger et digérer cru mène à des repas et une inactivité digestives qui occupent 42 % du temps quotidien. Ajoutons à cela les 40% de sommeil, il ne reste plus grand chose pour s'occuper de sa petite famille. Avec de la viande cuite, le temps de digestion et de repas passe à 10 %. Largement de quoi aller boire une bière à la caverne du village, de jouer au dinosaure avec le gamin et au docteur avec madame. Ces avantages énergétiques et ce gains de temps ont largement contribué à sélectionner ce comportement de cuisson. Les conséquences dans notre organisme sont multiples aussi. Réduction de la mâchoire et de la taille des dents mais surtout de la taille de notre intestin qui passe de 10m chez nos ancêtres à 6 m pour nous. Mais que faire de toute cette énergie que l'on gagne durant notre développement ou dans la vie de tous les jours ? Certains auteurs proposent qu'elle ait été allouée au développement de notre cerveau, mais aussi à la culture (temps pour faire de l'art) ou même encore que cette adaptation ai permis de voir émerger le partage (si on a trop de bouffe, autant la partager avec d'autres personnes, mêmes si elles ne sont pas liées génétiquement à nous).
 

Ouh Pinaise!
     La seconde révolution est celle liée à l'agriculture et l'élevage. L'exemple classique d'une adaptation à ces pratiques est celui de l'adaptation de certaines populations européennes et africaines à la digestion du lactose. Il a déjà été développé par Léo et je ne reviendrai pas dessus: "Adaptation à la consommation de lait (en étant adulte)". Mais des phénomènes similaires sont apparus avec notre consommation de céréales. Arrêtons nous une minute pour nous poser une petite question : "une céréale, c'est quoi exactement ?". C'est une plante (waw!). Dont nous consommons essentiellement les fruits, qui renferment les graines. Sauf qu'une plante n'a pas d'intérêt particulier à se faire bouloter toutes ses futurs bébés, et c'est donc sans grande surprise que pour se protéger, elles les bourrent de nombreuses toxines. Le quinoa contient des saponines (lyse cellulaire), le blé des lectines (diahrrées, vomissement), le soja des génistéines (risque de cancer), ... Et alors? personnellement, je ne vomis pas à chaque fois que je mange du blé. C'est une adaptation culturelle (la cuisson des aliments) qui permet de supprimer une grande parti de ces effets indésirables. Par contre, j'ai la peau blanche. Beaucoup plus blanche que mes cousins lointains natifs américains ou asiatiques qui vivent à des latitudes similaires. Comme Léo l'a expliqué, la couleur de la peau blanche est liée à un déficit de vitamine D, synthétisée uniquement lorsqu'il y a assez de soleil. Rien d’étonnant à ce que les populations éloignées de l'équateur ait vu leur peau pâlir au fil des générations puisque sans vitamine D, de sérieux soucis de développement des os apparaissent. Mais pourquoi si blanche? Et quel lien avec le blé ? Dans le blé se trouve une molécule anti-fixatrice de calcium. Les bouffeurs de blés européens doivent donc compenser cette anomalie liée à leur alimentation par un éclaircissement de la peau plus important. Ces différences évolutives liées à l'alimentation vont donc jusqu'à s'inscrire dans notre patrimoine génétique. La preuve avec l'histoire des gourmets des pays asiatiques, capables de manger du piment en souriant lorsque votre bouche vous fait clairement comprendre qu'avec une demi-cuillère de plus elle risque de rendre l'âme. Cette différence (bien qu'accentuée par une habitude culinaire) réside dans une résistance génétique qui bloque les récepteurs à la capsaïcine, la molécule du piment qui vous arrache quelques larmes lorsque vous en mangez trop. Dernier exemple rapide avec le peuple japonais, qui, grâce à une bactérie tranquillement installée dans leur intestin, arrivent à digérer sans sushis plusieurs types d'algues.
 


Courbe démographique de la myopie chez des esquimaux d’Alaska
     La dernière révolution est beaucoup plus récente, et représente l'arrivée d'un nouvel aliment de façon massive dans notre alimentation. Top! Cet aliment mystère était plutôt rare et se trouvait sous forme de fruit ou de miel mais représentait un met réservé aux plus riches. Il est devenu un peu plus commun au XVIII° siècle, lorsque dans les Antilles, les colons blancs se sont mis à en produire (ou plutôt à boire du thé pendant que leurs esclaves produisaient) à partir de plantes du genre saccharum. Au XIX° on estime que sa consommation est environ de 2kg/hab/an, grâce à la culture massive d'un type de betterave. Rien de plus normal d'apprendre qu'au XX° elle est de 37kg/hab/an. Bref, vous l'aurez compris, en deux siècle nous avons donc multipliés par plus de 100 notre consommation moyenne de sucre, certes très rentable en énergie, mais qui risque de causer de petits soucis... Rappelons nous ce qu'il s'est passé lorsque l'Homme s'est mis à cuire la viande (-4m d'intestin, réduction de la machoire,...). Cela n'a pas du se passer de façon aussi mignonne que nous l'avons décrit plus haut, et l'exemple du sucre nous donne un aperçut unique de la façon dont a pu se passer cette transition nutritive. Et effectivement, les conséquences actuelles sont importantes. Un exemple ? la dégénération des cellules de nos yeux, accélérée par la consommation de sucre (il n'en est pas non plus le seul responsable). Cette hypothèse a notamment pu être vérifiée chez les esquimaux qui,  il y environ 30 ans environ, période à laquelle ils se sont mis à manger comme des américains, et à exploser leurs frais d’opticiens (Cordet et al. Acta Ophtalmologica Scandinavica, 2002). Un autre vous est donné ici par (encore lui!) le copain Grasset.


     Bon, revenons à notre question de départ:  pourquoi donc refaire un  chapitre (un peu long) sur l'adaptation de l'homme à son environnement dans cette série sur la médecine darwinienne ? Pas de réponse? Désolé de vous décevoir, mais il va encore falloir attendre un peu. Car il y a un dernier petit truc qui vit parmi nous et qui régulièrement vient nous embêter... Nos parasites. Et sans grande surprises, ils ont eux aussi influencés les trajectoires évolutives de nos ancêtres.


Les sources à cet article proviennent de 3 conférences données par Alain Froment (directeur de recherche à l'institut de développement), Lluis Qintana-Murci (directeur de recherche au CNRS et à l'institut Pasteur) et Michèle Raymond (Directeur de recherche à l'ISEM). De nombreuses références sont disponibles dans les deux ouvrages de ce dernier et sur un site internet qu'il met à jour de temps en temps.






Perry GH, Foll M, Grenier JC, Patin E, Nédélec Y, Pacis A, Barakatt M, Gravel S, Zhou X, Nsobya SL, Excoffier L, Quintana-Murci L, Dominy NJ, Barreiro LB (2014) Adaptive, convergent origins of the pygmy phenotype in African rainforest hunter-gatherers. Proc Natl Acad Sci U S A. 111(35):E3596-603. - See more at: https://www.pasteur.fr/en/research/genome-genetics/units-groups/human-evolutionary-genetics/publications#sthash.6nvaiiJz.dpuf
"Ouh Pinaise !"
Perry GH, Foll M, Grenier JC, Patin E, Nédélec Y, Pacis A, Barakatt M, Gravel S, Zhou X, Nsobya SL, Excoffier L, Quintana-Murci L, Dominy NJ, Barreiro LB (2014) Adaptive, convergent origins of the pygmy phenotype in African rainforest hunter-gatherers. Proc Natl Acad Sci U S A. 111(35):E3596-603. - See more at: https://www.pasteur.fr/en/research/genome-genetics/units-groups/human-evolutionary-genetics/publications#sthash.6nvaiiJz.dpuf

3 commentaires:

  1. "[La cuisson] augmente aussi la richesse énergétique des aliments" : l'hyperleucocytose post-prandiale serait-elle donc un mythe ?

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  2. Hmmm... Il y a une (énorme) nuance entre évolution au sens de Darwin et évolution au sens d'un individu. Sacré mélange fait ici accompagné de finalisme fréquent. Dommage, parce que le sujet est intéressant. Juste un peu plus de rigueur et ce sera top. Déjà qu'au MNHN (Paris) ils se permettent d'écrire sur certains panneaux qu'une espèce "évolue pour s'adapter" (Oh, bah zut, ça ressemble fichtrement à du créationnisme)... Les mots et les phrases ont des sens bien précis à corréler avec la science pour qu'il existe une certaine rigueur. Essayons donc de bien faire les choses parce que les personnes qui ne sont pas scientifiques de profession n'auront probablement pas cette rigueur. C'est donc bien à nous de ne pas faire ces erreurs.

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  3. Salut poulet !! top ton article !
    Pour le commentaire précédent : pourriez vous détaillez votre pensée lorsque vous dites : "Il y a une (énorme) nuance entre évolution au sens de Darwin et évolution au sens d'un individu." je suis désolé mais je ne vois pas ou vous voulez en venir... surtout que évolution au sens de Darwin ça remonte quand même... et évolution au sens d'un individus... pour ma part ça ne veut pas dire grand chose.
    Quand au finalisme fréquent que vous décriez il ne me saute pas au yeux à la lecture de cet article. Alexis ne parle pas des processus qui ont conduit à la réduction de l'intestin il parle des conséquences du changement de régime alimentaire sur divers traits.

    Bref, peut-être certains raccourcis que nous excuserons bien volontiers au profit de ce petit bout de savoir que t'as fais l'effort de transmettre, à tout le monde, i.e. également aux non scientifiques de profession ...

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