3 août 2014

La responsabilité de la protection de la Biodiversité nous incombe -t- elle ?

Cet image traduit bien la perception de nos gouvernants (photo sur site de l’éducation nationale)

Allez, je m’y colle… On vient de voir passer pas mal d’articles sur la biodiversité, du maintenant célèbre « Flinguer la biodiversité … » de Léo au (bio)-topic sur la dé-extinction de Joane. Je suis très probablement (parmi les immenses contributeurs de ce blog) le moins bien placé pour en parler, et pourtant je m’y colle… Je vais parler de biodiversité…

Je coupe court, pas de suspense : Pas de panda ou autre ursidés, Pas d’abeille, de koala, de schtroumpfs, ou autres ewoks…

Soyons cru : « La biodiversité, bien ou pas bien pour l’homme ? (oui... et la femme aussi)»
En cette période post-bac je fais une annonce de plan banal à souhait :
I)                    Bien
II)                  Pas Bien
III)                Vous avez vu que j’ai écrit un article sur ce blog : « Œstrus ou pas Œstrus… » ?

Après cet intermède publicitaire subliminal je m’y remets :


Introduction :

Le terme biodiversité est rendu célèbre lors du sommet de la Terre à Rio des Janeiro en 1992 (c’est marrant quand on voit le massacre environnemental lié à la coupe du monde… que j’ai bien entendu suivi sans aucun remords, soyons pas hypocrite…). Ce sommet fait de la protection de la biodiversité un enjeu majeur du 21ème siècle.  Ainsi, les pays signataires de la Convention sur la Diversité biologique s’engagent à : « protéger et restaurer la diversité du vivant ». Bon … c’est cool ! Mais pourquoi ?

Ben tout simplement : « Au-delà des raisons éthiques, la biodiversité est essentielle aux sociétés humaines qui en sont entièrement dépendantes à travers les services écosystémiques. » Deux notions s’opposent d’après moi :
 Au-delà des raisons éthiques = L’homme espèce supérieure à toute autre se doit de protéger l’environnement, sauver les baleines, et de démazouter les zoziaux (pardon Tim… j’ai pas pu me retenir).

La biodiversité est essentielle aux sociétés humaines qui en sont entièrement dépendantes = ha ? L’homme une espèce comme les autres qui dépend de son environnement… à travers les services écosystémiques = Ben non, l’environnement nous offre des services qui nous couteraient beaucoup plus cher (économiquement et probablement humainement parlant) à reproduire. J’aime cette absence d’hypocrisie : la biodiversité ne doit pas être protégée per se mais bien parce qu’elle nous est utile !
Petite revue des « Bien fait de la biodiversité … ou pas»

Au fait, qu’est-ce que la biodiversité ? vite le super héros WikipédiaMan : « La biodiversité, néologisme composé à partir des mots bio (du grec βίος / bios, « vie ») et diversité, est la diversité naturelle des organismes vivants. Elle s'apprécie en considérant la diversité des écosystèmes, des espèces, et des gènes dans l'espace et dans le temps, ainsi que les interactions au sein de ces niveaux d'organisation et entre eux ». WHOUAAOUUU, vous l’aurez compris, c’est un peu ce que vous voulez y mettre dedans…

I)    Pas bien (-C’était pas mon plan ? – c’était pour voir si vous suiviez (déformation professionnelle.. p***** d’étudiant(e)s !)
Les zoonoses : Maladies transmises par un animal, et bien souvent un animal sauvage…
« Les trois quarts des maladies infectieuses chez l’homme sont ou ont été des zoonoses… » Marc Artois et Michel Gautier-Clerc, Notre Santé et la Biodiversité chap. 1, Pas besoin d’en dire plus…

II)            Bien
« Il devient alors clair que l’érosion de la biodiversité observé actuellement a un effet important sur la transmission (à l’homme) de ces agents pathogènes ». Benjamin Roche, Notre Santé et la Biodiversité chap. 2
- Mais tu viens de dire… - Je sais…

Moins d’espèces sauvages = moins d’hôtes de pathogènes potentiels, certes Mais :
La contamination de l’homme par ces maladies est la plus part du temps accidentelle, et une modification des interactions de l’homme avec son environnement peut modifier la fréquence de ces rapports… (j’suis fier de celle-là…). En effet, l’appauvrissement de ressources (alimentaires) peut entrainer un déplacement vers d’autres espèces (contagieuses), le développement d’élevages à haut rendement (gros risque infectieux), ou encore un changement d’hôte du pathogène lui-même. Il faut bien comprendre que dans la plus part des zoonoses l’homme est un cul-de-sac dans le sens où il ne participe pas au cycle de vie du parasite. De fait, réduire le nombre d’hôtes « naturels » augmente la pression de sélection sur le parasite … et potentiellement : badaboum, mutation qui entraîne une transmission entre hommes, augmentation de la virulence etc etc… ! Par ailleurs, les pathogènes responsables de zoonoses sont très souvent capables d’infecter plusieurs hôtes dont les compétences vectorielles varient grandement. Et alors ? :

Extrait de Notre santé et la biodiversité

Ex : 100.000 moustiques, 10 infectés par la dengue. Plusieurs sources de repas sanguins pour nos chères femelles moustiques, principalement des vertébrés (oiseaux, reptiles, amphibien… et bien sûr l’homme p**** de moustiques !) bon avec tout ça, le risque d’être contaminé est faible, en effet même s’ils deviennent porteurs, nos chers amis oiseaux, reptiles, amphibien ne sont pas vecteurs… ouf ! Maintenant, développez l’urbanisme, couic les amphibiens et reptiles, domestiquez les chats… couic les oiseaux (dsl Tim…) et augmentez la densité en population humaines… et … badaboum… épidémie ! (ça marche aussi avec les tiques et la prévalence de la maladie de Lyme (boréliose) etc …)
Ceci s’appelle l’effet de dilution. Plus le nombre d’hôtes potentiels au degré de compétence vectorielle faible est élevé est plus le risque d’être contaminé est faible…

III)           Biodiversité pédagogie presque bien
Qu’il est joli le panda dans son espace naturel (bon ok même dans un zoo). Mettre en avant la magnificence de la nature, la beauté de nos espaces naturels est un outil éducatif exceptionnel pour faire passer des messages et attirer l’attention des plus jeunes au plus vieux sur les enjeux environnementaux. Le problème c’est que bien souvent c’est mal abordé. Je m’explique : dire ce n’est pas bien de souiller la nature, tu vas l’abimer, lui faire mal… c’est nul !

Vous voyez le problème? 

 Dire : si tu continues comme ça tu vas mourir, ta mère vas mourir tes enfants vont mourir et il y aura une nouvelle radiation des trucs encore plus funky que le panda mais toi t'y seras pas, c’est bien ! Ça c’est pédagogique : honnête, direct et sans métaphore. Je le répète nous ne sommes pas dieu, nous sommes une espèce comme une autre qui modifie son environnement pour assurer la transmission de ses gènes… La seule différence est que nous avons conscience que la vitesse à laquelle nous modifions notre environnement ne nous permettra pas de transmettre nos gènes encore longtemps.

2b) Pas bien : Au nom de la Biodiversité... (ce plan devient ridicule)
-       Pourquoi pas bien ? Toujours à cause de fanatiques. Nous occidentaux qui nous nourrissons convenablement (en quantité j’entends), nous allons donner des leçons à des tribus, leur interdisant de chasser telle espèce, de cueillir telle plante, ou carrément déplacer des populations pour « préserver » ce qu’on estime qui mérite de l’être.
-   Projets de fou furieux en tous genres qui brassent des millions sous la couverture de la culpabilisation de la responsabilité de la disparition d’une espèce. (voir le post de Joane)

12c) Peut-on vraiment protéger, conserver ou en encore restaurer la biodiversité ?

La biodiversité est grosso-modo la diversité du vivant. De tout temps, des espèces ont vu le jour, d’autres se sont éteintes et bien sûr tout ça grâce à notre amie l’évolution. Alors comment conserver la biodiversité ? Admettons que je fige un écosystème  hop ! il bouge plus. Vais-je conserver la biodiversité ? … l’issue est malheureusement funeste (Noé a essayé.. l’histoire ne le dit pas mais croyez-moi il a eu des problèmes…. )

Bon on est d'accord? c'est pas une solution...
Est-ce que je peux la restaurer ?

Il y a X années le grands tétras était présent dans les causses du Méjean. Depuis une trentaine d’années un passionné a essayé de le réintroduire dans son « habitat naturel ». Habitat qui bien sûr avait évolué depuis la disparition de la bête. Bon sans parler de l’échec cuisant du projet et des plusieurs dizaines de milliers d’euros qu’il a couté, imaginons… On réussit, le grand tétras est réintroduit, cet oiseau absent de ce milieu depuis 100 ans avait libéré des niches écologiques qui ont été depuis colonisées par d’autres oiseaux ? des insectes ? etc etc … De fait a – t - on restauré la biodiversité ? Il est fort à parier que la réintroduction du grands tétras a du gêner l’établissement de la bistouquette des prés (dsl Tim) qui l’avait progressivement remplacé… La bistouquette des prés ne faisait pas ses nids de la même manière, ne chassait pas les mêmes proies et n’était pas prédatée par les mêmes animaux. En fait, la disparition du grand tétras avait potentiellement généré une augmentation de la biodiversité locale… Quant à sa réintroduction… je suis loin de penser qu’elle aurait restauré quoi que ce soit.


Comment la Protéger ?

-En tuant l'homme ? (oui, et la femme aussi)
Même en disparaissant, l'homme laisserait une niche écologique vacante...


La biodiversité est générée par une dynamique, son équilibre vient du fait que c’est un système en mouvement (extinctions / spéciations). Arrêtez un cycliste sans qu’il puisse poser le pied à terre et …badaboom (j’aime bien ce mot : badaboom).  Du coup, intervenir dessus en la conservant, la restaurant etc., c’est mettre en danger cet équilibre. Nous ne devons pas agir sur les résultats (les espèces) mais faire en sorte de préserver le système autant que faire se peut. Occuper un milieu en essayant de préserver le plus possible des zones refuges, garder de la variabilité génétique dans nos élevages et en agriculture. Arrêter de spéculer sur les denrées alimentaires, empêcher Léo de se reproduire, cesser de financer des projets à la con, expliquer pourquoi la planète ne peut pas être malade, empêcher Léo de se reproduire (oui croyez-moi c’est super important) et pourquoi des oiseaux, des plantes et des arbres réoccupent déjà le site de Tchernobyl et que même si ils ressemblent beaucoup à ceux qui étaient déjà là avant la catastrophe… Ce ne sont plus les mêmes ;-)…

Conclusions: 

Pour des raisons concrètes, oui la protection de la biodiversité nous incombe. Elle nous incombe car sans la diversité de nos milieux qui nous offrent ressources, soins, et autres matériaux dont sont faites nos maisons, notre avenir aurait une côte catastrophique chez les bookmakers britanniques. Avons -nous une quelconque responsabilité par rapport à telle ou telle espèce ? je ne suis pas sûr...
Avons-nous compris les enjeux de préserver l'équilibre dynamique qui permet de maintenir la diversité du vivant ? je ne suis pas sûr car nous n'avons pas encore compris qu'essayer d'agir directement sur le système c'est réduire le champ des possibles... 

Take home message : 

Protéger la bistouquette des prés, ce n'est pas protéger la biodiversité, c'est protéger la bistouquette des prés*.

* remplacez Bistouquette des pré par n'importe qu'elle espèce, ça marche aussi.


A lire : "Notre santé et la biodiversité" ed. Buchet Chastel

A voir : Pierre-Henry Gouyon : "Fabriquer le vivant..."

http://www.dailymotion.com/video/xvr9l3_ads-pierre-henri-gouyon-fabriquer-le-vivant_news#from=embediframe

PaMi




2 commentaires:

  1. Et bin, on s'en prend plein la gueule Léo, moi, les oiseaux, les plans et les conservationnistes. Ils mettent quoi dans le café de l'ISEM?

    Bon, sans reprendre le débat en entier, je suis prêt à admettre que beaucoup d'interventions à visée conservationniste font potentiellement des dégâts collatéraux. Un point qui me semble quand même douteux, c'est que les réintroductions en elles mêmes soient de façon générale délétères pour les écosystèmes et la biodiversité. Certes il se peut que des niches vacantes aient été reprises par d'autres espèces en l'absence de l'espèce disparue, mais ça me semble assez improbable que ce soit un phénomène suffisamment important pour inverser le bilan d'une réintroduction en terme de biodiv:
    1) vu les périodes de temps considérées (en général on ne réintroduit que des espèces historiques, pas assez pour des radiations adaptative qui rempliraient les niches vacantes, si?),
    2) vu que les espèces prenant les niches vacantes avaient plus probablement étendu leurs niches que sauté complètement de l'une à l'autre (genre la disparition des vautours en Europe occidentale au XX siècle a sans doute favorisé les comportements charognards des corvidés, mais ça ne veut pas dire que les corvidés se sont spécialisés dans cette niche et que le retour des vautours soit un problème pour eux)
    3) et vue que la disparition de l'espèce focale va aussi avec des rétrécissements ou des pertes de niches réalisées pour d'autres espèces (parasites, plantes dispersées, prédateurs...).
    (après, je dis pas, y'a certainement des contre-exemples, c'est la généralité du propos qui me gène)

    Pour revenir sur notre sujet de conversation préféré, okay la réintroduction du grand tétra dans les Cévennes c'est un échec, assez prévisible vu comment ça a été mené, mais j'ai du mal à voir ses effets négatifs sur la biodiversité... à part les renards et les martres retirés des zones de lâché. Aucune bistouquette des prés n'était venue prendre sa place. Y'avait juste un peu plus de myrtilles pour les renards en hiver. Ça a aussi permit la constitution de zones plus ou moins protégées ( îlots de sénescence notamment) dans la forêt domaniale.

    Sur le take home message : parfois peut-être mais en général je ne suis pas d'accord. Ça néglige les espèces clefs de voutes (dont dépendent beaucoup d'autres espèces, genre amusez vous à virer les chênes d'une forêt du sud de la France et comparez un inventaire entomologique avant/après...), les espèces parapluies (dont la protection engendre une protection indirecte d'autres espèces, par exemple en conservant l'habitat, genre pour sauver 2 couples d'un héron rare empêcher le comblement de gravières qui devaient devenir du maïs, et sans y penser maintenir un hot spot pour libellules et micro-lépidoptères), les espèces étendard (qui drainent des fonds et l'attention du public sur la conservation, genre l'orang-outan qui fait prendre conscience de se que signifie la déforestation tropicale)...
    Cela dit tout à fait d'accord que ce take home message devrait être médité par les conservationnistes et que le bénéfice global d'une action devrait être plus réfléchis au cas par cas.

    avec amour et haleine caféinée, tim.

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  2. coucou mon Tim,
    1) Y a pas grand monde en ce moment, 2) j'en avais marre de bosser sur mon article 3) trop de caféine par ces temps de chaleurs harassantes...

    L'ours dans les Pyrénées ?...
    Le cheval de prjevalski .. ? ..
    Bon oki le post est (un peu) provocateur, mais en se qui concerne les espèce clés de voûtes ou parapluies, on se situe déjà, selon moi dans une forme de restauration de la biodiversité plutôt que dans de la "protection" pour la simple et bonne raison qu'il y a une réflexion qui va au-delà de juste cette espèce était présente il y a X années... Ensuite si réintroduire une espèce dans un milieu c'est permettre une reconnexion en méta-populations et restaurer des flux géniques entre populations isolées alors oui c'est de la conservation. Mais si on prends l'exemple de l'ours dans les Pyrénées c'est juste au Zoo géant à ciel ouvert non ? ou les implications sont plus grandes ? Ensuite je suis sensible à ton argument (que tu avais déjà du utiliser au cours de nos longs débats sur le sujet mais que j'avais oublié) portant sur la création de parc naturel pour protéger une espèce emblématique et par la même protéger toute la biodiversité. En fait, la question qui me travaille plus est tout simplement, est-ce qu'on peut protéger la biodiversité, pas l'actuelle mais plus la dynamique qui maintient l'équilibre... et si oui comment? je pense pas que la solution soit d'agir directement par la restauration d'écosystème ou la conservation. Pour moi tout ça doit être un outil pédagogique auprès du grand public pour expliquer les enjeux associés à la préservation d'une diversité du vivant et non comme un moyen de protéger la biodiversité, car à une échelle globale je ne vois pas trop ce que ça protège (en terme de "volume"). Il faudrait en effet multiplier ce genres de méthodes à une échelle inimaginable pour que ça un effet sur la biodiversité...

    avec tendresse et haleine douteuse, pascal.

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